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[CJUE] Le port de signes religieux en entreprise : possible interdiction par le règlement intérieur


La loi, la jurisprudence des juridictions françaises mais aussi celle de la Cour européenne des droits de l’Homme et, dernièrement, de la Cour de justice de l’Union européenne le 14 mars 2017 (CJUE, Aff. C-157/15 et C-188/15) se positionne sur les règles applicables au port de signes religieux en entreprise.


Dans un arrêt du 15 juillet 2021, la Cour de justice de l'Union européenne se positionne sur les règles applicables au sein d’une entreprise, interdisant aux travailleurs de porter tout signe visible de convictions politiques, philosophiques ou religieuses sur le lieu de travail.


1. L’absence d’interdiction de principe par la législation française

L'interdiction des signes religieux dans l'entreprise, contrairement à l'interdiction du voile dans les lieux publics, n'a pas été posée par la loi.

Le principe de neutralité et de laïcité n'est pas applicable en l'état aux salariés dans les entreprises qui relèvent du Code du travail.

La liberté religieuse est posée comme un principe fondamental.

En revanche, la liberté d'expression religieuse ne doit pas entraîner de troubles dans l'entreprise.

La Cour rappelle ainsi qu'une règle interne d’une entreprise, qui interdit aux travailleurs de porter tout signe visible de convictions politiques, philosophiques ou religieuses sur le lieu de travail, ne constitue pas, à l’égard des travailleurs qui observent certaines règles vestimentaires en fonction de préceptes religieux, une discrimination directe fondée sur la religion ou sur les convictions.


2. La possibilité d’interdiction par le règlement intérieur de l’entreprise

En fonction de la nature de l'activité de l'entreprise, des contraintes de sécurité, d'hygiène et de santé voire encore des problèmes d'image de l'entreprise, le règlement intérieur peut imposer certaines restrictions en matière de signes religieux. Si l'employeur souhaite interdire le port de signe religieux au travail, sa décision ne doit pas être motivée par des critères religieux mais par les conséquences que ce vêtement pourrait avoir en matière d'organisation, d'hygiène ou de sécurité au travail.


3. Une réglementation tempérée par l’interdiction de la discrimination

La liberté religieuse qui implique la liberté de pratiquer une religion et de manifester ses convictions religieuses, est consacrée par différentes normes tant supranationales que nationales (notamment l’article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme, l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme). Elle a pour corollaire l’interdiction de toute discrimination fondée sur la religion. Le code du travail interdit ainsi toute discrimination, directe ou indirecte, en raison des convictions religieuses et ce à tous les stades de la vie professionnelle, du recrutement à la formation ou promotion professionnelle et jusqu’à la rupture du contrat (C. trav. art. L. 1132-1). Le Code pénal (art. 225-1 à 225-4) sanctionne également les discriminations fondées sur la religion par une peine maximale de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.



Conclusion :

Si l’employeur dont l’activité ne procède pas de l’exécution d’un service public ne peut interdire de façon générale et absolue à ses salariés de manifester leurs convictions religieuses dans l’entreprise, il peut toutefois apporter des restrictions à la liberté religieuse dès lors que celles-ci sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché (C. trav. art. L. 1121-1).

Un règlement intérieur peut donc prévoir des restrictions à la liberté de manifester sa religion, si la double condition de justification et de proportionnalité est respectée (C. trav. art. L. 1321-3, 2°) étant précisé que les conclusions de l’avocat général de la CJUE dans l’arrêt du 14 mars 2017 précisaient que l’interdiction peut être admise si elle « ne repose pas sur des stéréotypes ou des préjugés relatifs à une religion ou aux convictions religieuses en général ».







Pour en savoir plus :
lire le communiqué de presse ;
lire J. Colonna et V. Renaux-Personnic, Neutralité dans l’entreprise : hors clause dans le règlement intérieur… pas de salut !, Lexbase Social, mai 2021, n° 865 (N° Lexbase : N7535BYQ) ;
v. ÉTUDE : Le règlement intérieur, Les règles relatives au principe de neutralité, in Droit du travail, Lexbase (N° Lexbase : E7420E9P) ;
v. ÉTUDE : Le principe de non-discrimination, La prohibition des discriminations liées aux opinions politiques et convictions religieuses, in Droit du travail, Lexbase (N° Lexbase : E2590ET4).


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